Les femmes ont un rôle moteur à jouer dans la résilience face au changement climatique.
L’année dernière, la planète a connu l’un des pires épisodes de sécheresse de ces dernières décennies et une crise alimentaire particulièrement grave qui ont eu de terribles répercussions. Fin 2015, la sécheresse touchait 30 pour cent des terres, chiffre parmi les plus élevés jamais enregistré.
Les professionnels du secteur de l’humanitaire ne l’ignorent pas : cette crise profonde et prolongée est due aux effets conjugués du changement climatique et du phénomène El Niño de 2015-2016. Les pays d’Afrique australe, l’une des régions les plus touchées, n’avaient pas connu une sécheresse aussi sévère depuis 35 ans. Le Lesotho, le Malawi, la Namibie, le Swaziland et le Zimbabwe se sont déclarés en situation d’urgence nationale. En Afrique du Sud, la sécheresse a frappé huit provinces sur neuf, qui fournissent 90 pour cent de la production de maïs du pays. L’année dernière à cette même époque, on estimait à 18 millions le nombre d’habitants d’Afrique australe en situation d’insécurité alimentaire.
El Niño est un phénomène météorologique cyclique mondial d’origine naturelle qui se produit tous les trois à sept ans. Mais l’année dernière, d’après les scientifiques, le changement climatique en a modifié et aggravé les conséquences. L’atmosphère terrestre enregistrait alors un taux de gaz à effets de serre sans précédent. C’était en outre l’année la plus chaude jamais répertoriée, et ce, pour la troisième année consécutive. Parallèlement, El Niño avait rarement été aussi violent et aussi long.
Les humanitaires l’ont bien vu : les conséquences de cette sécheresse ont été dramatiques. El Niño n’a pas seulement entraîné une crise alimentaire immédiate, mais il a aussi mis durablement en péril les perspectives agricoles de la région, anéantissant de nombreux moyens de subsistance. Ces conséquences à long terme continuent d’affecter un grand nombre de personnes encore aujourd’hui.
Les plus vulnérables
Cette sécheresse a eu des répercussions particulièrement dommageables pour les petites agricultrices, qui constituent 43 pour cent de la main-d’œuvre agricole dans les pays en développement. Les femmes sont spécialement vulnérables face aux catastrophes. Elles supportent souvent une charge de travail et des responsabilités sociales supérieures, mais sont moins bien considérées et souvent défavorisées lorsque des désastres surviennent.
La sécheresse a généralisé les mécanismes d’adaptation négatifs employés par les femmes et les filles. Par exemple, lors de catastrophes, les femmes nourrissent d’abord leurs enfants et leur mari et se servent souvent en dernier, s’il reste de quoi manger. Des femmes et des filles ont signalé devoir marcher de plus longues heures chaque jour pour trouver de l’eau, devenue rare. Elles perdaient ainsi l’occasion de s’instruire, de gagner de l’argent et de se reposer. Au Malawi et au Lesotho, des rapports de l’organisation non gouvernementale (ONG) de lutte contre la pauvreté ActionAid, ont indiqué que certaines femmes se prostituaient pour survivre, ce qui augmentait pour elles le risque d’attraper le VIH/SIDA. Les mariages précoces seraient également en hausse. Ces tendances menacent le bien-être des femmes et des filles et risque de les empêcher de participer à des activités qui pourraient améliorer à long terme leur condition sociale, leurs droits et leur résilience ainsi que celle de leur entourage.
Heureusement, l’Afrique australe est maintenant en phase de relèvement, un processus qui prendra cependant du temps, car la sécheresse a profondément affecté les sources de revenu des populations, leur bétail, leurs terres, leurs économies, leur éducation, leur santé, etc. Or, le changement climatique s’aggrave, et nous savons que les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents et violents. Les initiatives de relèvement et de reconstruction ne doivent pas perdre de vue les évènements à venir et les impacts du changement climatique qui continueront selon toute vraisemblance à affecter la région. Les efforts de relèvement et les programmes relatifs au développement et à l’agriculture actuellement mis en œuvre dans la région doivent donc placer l’adaptation, la prévention des catastrophes et la préparation au premier plan. Nous pouvons tirer d’importantes leçons d’un certain nombre d’initiatives qui, durant la crise de l’année dernière, ont su mettre au point des stratégies efficaces d’accroissement de la résilience.
Le rôle des femmes
L’importance cruciale de travailler avec les femmes pour réaliser des projets de développement ou dans les situations de crise est de plus en plus reconnue dans le secteur. ActionAid a d’ailleurs découvert que cette approche était l’un des principaux facteurs de réussite dans le renforcement de la résilience de l’agriculture en cas de sécheresse et dans les actions mises en œuvre face à la catastrophe.
C’est bien connu, les catégories sociales les plus durement touchées par les catastrophes sont celles qui sont les plus vulnérables telles que les femmes, les filles et les personnes handicapées. Les femmes et les filles ont tendance à être exclues et désavantagées, même en l’absence de catastrophe. Elles ont moins accès aux ressources productives (aux terres, par exemple) et aux services comme l’éducation et les soins de santé, et elles ont peu de mainmise sur ces sujets. Il est donc plus difficile pour elles de se constituer un actif et de réduire les risques auxquels elles s’exposent. Elles ont également un accès plus limité aux secours après une catastrophe et des évènements comme El Niño renforcent encore davantage ces inégalités.
Pourtant, dans de nombreux pays africains, les femmes sont responsables de la plus grande partie de la production de nourriture et des tâches ménagères. Elles sont souvent le pilier de la famille et de la vie locale, mais sont trop fréquemment rendues invisibles, considérées comme dépendantes des hommes et écartées des principaux processus de prise de décision. Les violences sexuelles et sexistes, qui touchent les femmes de manière disproportionnée dans la plupart des sociétés, sont par ailleurs souvent exacerbées lors des catastrophes. Réduire les vulnérabilités chroniques et notamment celles des femmes peut donc grandement contribuer à prévenir des crises récurrentes qui pourraient être évitées.
Il a été démontré que faire progresser l’égalité hommes-femmes augmente l’efficacité des interventions humanitaires, surtout lorsque le rôle moteur des femmes et reconnu et mis en valeur, ce qui leur permet de lever les obstacles auxquels elles sont confrontées, de répondre à leurs besoins collectifs et de défendre leurs droits. Les femmes savent ce qu’elles veulent, ce dont elles ont besoin et ce qui pourrait les aider en cas de catastrophe. Les organisations humanitaires doivent impérativement s’adresser directement à elles et les impliquer dans toutes les étapes de leurs programmes.
Reconnaître et mettre en valeur le leadership des femmes est un moyen puissant de changer fondamentalement (et, espérons-le, durablement) les relations de pouvoir déséquilibrées dans la plupart des sociétés. Ce rôle devrait donc être au cœur des programmes d’adaptation locaux, de préparation aux catastrophes et de réduction des risques. Les programmes et politiques visant à limiter les impacts du changement climatique et les futures crises doivent rechercher activement la participation des femmes, leur autonomisation et leur leadership.
L’agroécologie
L’Agriculture est un moyen de subsistance essentiel pour la sécurité alimentaire et le développement de l’Afrique australe. Il est donc crucial pour la résilience des populations rurales qu’elle s’adapte au changement climatique.
L’« agroécologie » est le nom donné à un ensemble de techniques agricoles appliquant les principes de l’écologie et qui se révèle être l’une des stratégies de résilience les plus efficaces à portée des petits producteurs et productrices. Ces techniques consistent à travailler de concert avec la nature. Elles augmentent la biodiversité et évitent l’utilisation de produits chimiques nocifs pour l’environnement et la santé humaine. L’agroécologie s’apparente à l’agriculture « biologique », mais elle cherche davantage à défendre les intérêts des petits paysans et paysannes et leurs droits sur des ressources telles que les semences locales variées. Elle vise aussi à renforcer le tissu économique des territoires.
Face à l’imprévisibilité des régimes météorologiques et des précipitations due au changement climatique, l’agroécologie s’avère être une véritable planche de salut. Lorsque l’on ajoute des matières organiques au sol, cela améliore sa structure, l’aide à absorber plus d’eau et à retenir celle-ci pour les périodes de faible précipitation et de sécheresse, et prévient son érosion en cas de fortes pluies et d’inondations. Grâce à des cultures diversifiées et adaptées aux conditions locales, les agriculteurs et agricultrices peuvent aussi répartir les risques et réduire les probabilités d’une mauvaise récolte. La hausse de l’imprévisibilité météorologique et des phénomènes extrêmes doit inciter les paysans et paysannes, les ONG et les responsables politiques à s’ouvrir à ces approches essentielles.
Un besoin de cohérence
Les politiques d’adaptation, de développement, de réduction des risques de catastrophe et de lutte contre le changement climatique manquent évidemment de coordination et de cohérence. Alors que les pays d’Afrique australe mettent au point leur Plan d’adaptation national, les ministères doivent dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes et tenir compte de ces exemples d’applications transversales. Ils doivent remettre en question leurs préjugés, rompre avec les modèles traditionnels et adapter leurs politiques à la nouvelle réalité climatique. Le leadership des femmes et l’agroécologie sont deux outils essentiels dont l’Afrique australe a urgemment besoin pour renforcer la résilience des populations face aux enjeux du changement climatique.
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