Sur le cours d’eau polluée d’Hidalgo, Yury Uribe et les populations locales se battent contre un “enfer environnemental” causé par des rejets industriels.
Sur la rive d’une retenue d’eau polluée, responsable présumée d’une hausse des cas de cancers dans la région, Yury Uribe espère voir le bout du tunnel après des années de lutte contre un “enfer environnemental” dans le centre du Mexique. La femme de 43 ans vit à côté du barrage Endhó dans l’Etat d’Hidalgo au nord de Mexico, qui reçoit les eaux usées de la capitale et sa banlieue (22 millions d’habitants), ainsi que des résidus industriels.
Dans les eaux visqueuses, apparaissent des moustiques, des ordures et un cadavre humain, le troisième en un mois, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les industries rejettent des métaux lourds comme l’arsenic ou le mercure dans la rivière Tula ou d’autres affluents qui terminent dans la retenue d’eau.
Depuis 20 ans, Yury et les habitants de la communauté de Tepetitlán (10.830 habitants en 2020) luttent pour enrayer la pollution des puits. Yury Uribe est membre du Mouvement social de la Terre, une ONG lancée en 2004 pour rendre visible la tragédie qui frappe cette zone de près de 25.000 hectares, un “enfer environnemental” d’après le gouvernement en 2019. Ce sont des zones “sacrifiées pour que la ville de Mexico puisse bien fonctionner”, explique la militante.
Des eaux souillées
La lutte n’a pas été facile. Les habitants ont fait le siège du ministère de l’Environnement et de la Commission nationale de l’eau (Conagua).
Ils ont été aidés dans leur lutte par une enquête au long cours de N+, chaîne d’information du groupe Televisa. “Les morts enregistrés par cancer entre 2010 et 2020 dans la région de Tula ont augmenté de 189%, contre 30% dans tout le Mexique”, lit-on dans cette enquête récompensée par le prix de journalisme Breach-Valdez 2024 (dont l’AFP est membre du jury).
Une première victoire a été enregistrée mi-juin quand les autorités ont annoncé leur intention de déclarer “zone de restauration écologique” la région du barrage Endhó. “Un acte de justice social”, a commenté le secrétariat (ministère) de l’Environnement en annonçant la décision. C’est “encourageant (…) pour arrêter de nous plaindre et trouver des solutions”, souligne Yury Uribe.
Des cancers liés à la pollution?
Le barrage Endhó, d’une capacité de 182 millions de m3, est entouré d’arbres qui se reflètent dans l’eau. Une image pittoresque même si la vie a déserté les eaux, d’après les habitants.
L’odeur fétide n’est pas le problème le plus important. Pour les habitants de Tepetitlán, il ne fait pas de doutes que la pollution de la retenue d’eau est la cause des cancers et des maladie gastro-intestinales. “C’est dû à ce que nous mangeons, à ce que nous respirons, à l’environnement”, affirme Irma González, 47 ans, qui souffre d’un cancer du sein. “Nous sommes nombreux à avoir le cancer”, signale sa voisine Blanca Santos, 64 ans, malade des poumons.
Les autorités ont promis d’enquêter sur le lien de cause à effet entre la pollution et les cas de cancers. L’oncologue Eduardo Amieva explique que les métaux lourds “commencent par s’accumuler dans les organes” comme les reins, le foie, la peau ou la vessie si leur concentration est excessive.
“Ils provoquent des altérations au niveau des chromosomes et finalement le cancer”, explique-t-il à l’AFP.
Les eaux retenues par le barrage sont utilisées depuis des années par des paysans pour arroser leurs cultures dans la vallée du Mezquital. Des produits de base au Mexique comme le maïs, le piment “chile”, des haricots rouges sont commercialisés dans la ville de Mexico et dans d’autres Etats du pays.
“Cette eau nous a apporté des bénéfices” mais également des “préjudices”, reconnaît Víctor Ángeles, cultivateur de maïs. “Le problème, ce sont les rejets que nous envoient les usines”, ajoute Ángeles, dont certains membres de la famille ont le cancer. Le plan de restauration, qui doit être formalisé en septembre, cherche à réduire les rejets dans la retenue d’eau, et à améliorer le traitement des eaux.
AFP