Quels sont les pays qui ont un bilan carbone négatif ?

Ne pas émettre davantage de gaz à effet de serre que ce que la planète peut absorber. Tel est l’objectif qui se cache derrière le terme de “neutralité carbone”. Or trois pays sont parvenus à aller plus loin encore et ont présenté aux Nations unies un bilan carbone négatif lors de la COP 26 : le Bhoutan, le Suriname et le Panama.

Sécheresses records, inondations géantes, feux géants… Cet été à travers le monde entier, les effets du dérèglement climatique se sont fait davantage sentir qu’à l’accoutumée. C’est donc avec un sentiment d’urgence que s’est ouverte la 27e édition de la Conférence des parties (COP 27), se tenant du 6 au 18 novembre 2022 à Charm el-Cheikh en Égypte. Les représentants de près de 200 pays y sont appelés à accélérer les différentes actions climatiques, encore insuffisantes pour contenir le réchauffement des températures à 1,5 °C — 2 °C tout au plus — par rapport à l’ère préindustrielle — objectif défini dans l’accord de Paris de 2015.

Dans ce même accord, l’objectif de “neutralité carbone” était introduit, concept essentiel pour parvenir à limiter les conséquences des émissions de gaz à effet de serre (GES). La loi énergie-climat française le définit comme “un équilibre […] entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre”. La neutralité carbone a en effet pour principe l’équilibre entre les GES générés par l’activité humaine et leur absorption par des réservoirs naturels ou artificiels, appelés puits — principalement les océans, les sols et les forêts. De nombreux acteurs se sont donc engagés à atteindre cette balance d’ici 2050.

Trois pays au “bilan carbone négatif”

Mais alors que les efforts se concentrent donc vers cette neutralité, trois pays se distinguent : ils sont dits “négatifs en carbone” (“carbon negative”), absorbant chaque année plus d’émissions qu’ils n’en produisent. En novembre 2021, lors de la COP 26 en Écosse, ils déclaraient conjointement : “Nous, les seules nations à avoir atteint un bilan carbone négatif, reconnaissons avoir la responsabilité unique de partager avec la communauté internationale nos mesures visant la lutte contre le dérèglement climatique”. Il s’agit du Bhoutan, du Suriname et du Panama. Et ils ont comme points communs la protection stricte de leurs forêts et l’usage grandissant des énergies renouvelables.

Le Bhoutan, petit pays de l’Himalaya de 800.000 habitants enclavé entre l’Inde et la Chine, a été le tout premier pays à obtenir ce statut, résultat de politiques engagées depuis les années 1970, notamment sur la gestion durable de ses forêts. Actuellement, plus de 70 % de ses terres en sont couvertes — sa constitution exige depuis 2008 que le gouvernement maintienne ce chiffre à 60 % minimum. Ainsi, selon les données officielles publiées par le royaume en 2020, 7,75 millions de tonnes de gaz à effet de serre auraient été absorbées par les arbres du Bhoutan en 2015, tandis que son économie en aurait produit 2,18 millions de tonnes, comme le relève Courrier international.

De même, le Suriname (Amérique du Sud) et le Panama (Amérique centrale) possèdent des forêts denses, qui couvrent la majeure partie de leurs territoires et agissent ainsi comme des puits de carbone bénéfiques. Peuvent être également citées, parmi les mesures adoptées par ces pays pour limiter leurs émissions de GES, l’adoption des énergies renouvelables — l’électricité du pays du Bhoutan est issue de l’énergie hydraulique, par exemple — la création de réserves protégées, ou encore la volonté de réduire la production des déchets. L’éducation des citoyens à la protection de la nature, par ailleurs, est devenue un sujet crucial dans leurs politiques.

Des exemples pour aller vers la neutralité carbone

À ce jour, seuls ces trois pays ont présenté un bilan annuel négatif en carbone. Mais le site World Population Review, organisation indépendante qui base ses cartes sur les données institutionnelles publiées chaque année, cite plusieurs exemples de pays évoluant dans la même direction : Tuvalu, Niué, Nauru, les îles Kiribati, les îles Tonga… Il est important de reconnaître que ce sont en grande majorité de petites nations non industrialisées, dont l’approche environnementale se verrait sans doute confrontés à davantage de défis à plus grande échelle. Ce sont aussi les pays les plus touchés par les effets du changement climatique, notamment l’élévation du niveau de la mer.

Ces pays, pour la plupart plus petits que la Suisse, montrent en revanche que l’objectif d’une empreinte carbone négative pourrait être atteignable à l’échelle d’un gouvernement local. Entre 2011 et 2020 dans le monde, 38,8 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2 seulement, sans comptabiliser les autres GES) par an ont été émises, d’après le site spécialisé Global carbon project. Selon ses estimations, les puits en auraient quant à eux absorber 21,7 tonnes. Pour pallier ce surplus d’ici 2050, les cas singuliers du Bhoutan, du Suriname et du Panama ne peuvent qu’inspirer les États à prendre des mesures plus drastiques, désormais nécessaires.

Interrogé par la Thomson Reuters Foundation, Sonam Phuntsho Wangdi, secrétaire de la Commission nationale de l’environnement du Bhoutan et président du “Groupe des pays les moins avancés” à la COP 26 de Glasgow déclarait en 2021 :

“Nous montrons au monde ce que nous pouvons faire si nous avons la volonté politique.”

G&O