Les plantes ont différents “secrets” pour résister à la sécheresse – favorisée par le changement climatique – mais dans les champs, ces stratégies entraînent une baisse du rendement agricole. Les agriculteurs parviennent néanmoins à s’adapter, en agissant à plusieurs niveaux. Explications.
Dans la nature, tout est question… de compromis ! Pour se développer, les plantes réalisent la photosynthèse grâce à l’énergie du Soleil. Il leur faut pour cela puiser des minéraux dans le sol, mais aussi, capter du dioxyde de carbone (CO2) dans l’air.
C’est au niveau des pores situés à la surface des feuilles – appelés “stomates” – que se font les échanges gazeux entre l’atmosphère et les tissus végétaux. En ouvrant ses stomates, la plante fait ainsi le plein de CO2, mais elle perd également de l’eau par transpiration.
C’est pourquoi, les plantes les plus tolérantes à la sécheresse présentent, en règle générale, moins de stomates. Mais alors, pourrait-on sélectionner des variétés cultivées selon ce critère, voire même, comme le proposent certains, aller jusqu’à insérer des gènes de plantes désertiques dans le maïs ?
“Si vous regardez les plantes de montagne qui poussent dans des conditions invraisemblables, vous remarquerez un chose : elles sont toutes petites“, explique François Tardieu, Directeur de recherches à l’Inrae, interrogé par GEO.fr. “Moins de stomates, taille réduite : tous les caractères qui augmentent l’adaptation à la sécheresse limitent le rendement (production agricole par unité de surface cultivée, NDLR). Ce n’est donc pas l’idéal !“
Les variétés tardives remontent vers le nord
Néanmoins, les agriculteurs sont capables de s’adapter face au changement climatique et à ses conséquences. Notamment, en jouant sur une autre propriété de la plante, à savoir : la durée de son cycle de développement, soit le temps écoulé entre le semis et la récolte – en passant par l’étape de floraison permettant de produire de nouvelles graines (Parent et al., 2018).
“Quand il fait plus chaud, la plante se développe plus vite. Elle consacre donc moins de temps à la photosynthèse, ce qui, au final, fait baisser le rendement“, précise François Tardieu. “Les agriculteurs parviennent à rallonger le cycle, à la fois en semant plus tôt et surtout, en choisissant des variétés dont le développement est plus lent.“
Ainsi, les variétés de maïs cultivées dans le sud de la France sont dites plus “tardives” – c’est-à-dire qu’elles fleurissent plus tard, à l’issue d’un développement ralenti – que celles cultivées davantage au nord. Avec le réchauffement du climat (+1,8 °C en France par rapport à l’ère préindustrielle), “les variétés tardives ‘remontent’ vers le nord“, note le chercheur.
Mais cette forme d’adaptation est-elle suffisante ? “D’un côté, le ‘progrès génétique’ augmente : les générations successives des variétés utilisées dans les champs, lorsqu’on les compare, produisent des rendements croissants (Welcker et al., 2022). Mais au niveau des statistiques agricoles, on voit pourtant que les rendements stagnent pour les principales cultures“, pointe François Tardieu. “Ce décalage s’explique très probablement par le changement climatique.“
Economiser l’eau
Si les cultures d’été – telles que le maïs – sont particulièrement exposées au risque de sécheresse, les céréales d’hiver, à l’instar du blé et du colza, n’échappent pas au risque : “il y a un problème sérieux en ce moment sur le blé en raison d’une sécheresse précoce“, relève le chercheur.
Outre le choix de variétés adaptées à chaque “scénario” prévu par l’agriculteur et aux risques envisagés (Tardieu, 2022), l’une des solutions pourrait venir des techniques culturales employées. Par exemple, “essayer de maximiser la quantité d’eau retenue par les sols“, “conserver des plantes qui évitent le ruissellement“, ou encore, “éviter le labour“, énumère François Tardieu.
“Dans des conditions encore plus extrêmes, en Australie, on va même jusqu’à semer uniquement un rang sur deux, de manière à avoir suffisamment d’eau pour toutes les plantes“, ajoute le chercheur. A condition d’accepter, là encore, une perte de rendement évidente.
Le risque de maladies des plantes
Qui dit “changement climatique” dit non seulement “sécheresse”, mais aussi malheureusement, “maladies des plantes”. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) compte au moins cinq maladies des végétaux dont le changement climatique contribue à la propagation à travers le monde (ONU Info, 5/2022) :
- Le mildiou de la pomme de terre ;
- La rouille du caféier ;
- La fusariose du bananier ;
- Le mildiou de la vigne ;
- Et Xylella fastidiosa, qui – contrairement aux quatre maladies ci-dessus – n’est pas d’origine fongique : il s’agit d’une bactérie transmise par des insectes suceurs de sève.
Pour y faire face, les agriculteurs peuvent par exemple mélanger dans leurs champs différentes variétés, voire différentes espèces de plantes, afin de freiner la propagation des agents infectieux – champignons ou insectes vecteurs de bactéries.
“Les maladies actuelles, on les connaît, et il y a des stratégies pour les contrer. Mais en ce qui concerne les maladies émergentes, c’est l’incertitude“, prévient toutefois François Tardieu.
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