Le constat est alarmant, à défaut d’être surprenant: les ressources en terres et en eau de la planète se détériorent fortement sous l’effet des activités humaines, au point que certains systèmes sont “au bord de la rupture”, a averti jeudi 9 décembre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture qui appelle à réagir.
Dans un volumineux rapport sur “L’Etat des ressources en terres et en eau pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde”, la FAO souligne les difficultés que cela risque d’engendrer pour nourrir une population mondiale qui devrait atteindre près de 10 milliards de personnes en 2050.
“La situation s’est beaucoup dégradée ces dix dernières années”, depuis la publication du premier rapport de l’organisation sur ce thème en 2011, relève le directeur général de la FAO, Qu Dongyu, dans la préface. Cette étude estimait déjà qu’“un grand nombre des écosystèmes terrestres et aquatiques productifs étaient en danger”. “Depuis, les pressions sur ces écosystèmes se sont beaucoup intensifiées et nombre d’entre eux sont aujourd’hui soumis à un niveau de stress critique”, souligne Qu Dongyu.Du fait de l’urbanisation rapide et de la hausse de la population mondiale, la demande en produits alimentaires a augmenté, une tendance qui devrait se poursuivre dans les prochaines décennies.
Or “tout indique que la croissance de la production agricole se ralentit, que la capacité de production s’épuise rapidement et que les dommages environnementaux se multiplient”, constate le rapport. La FAO estime qu’à l’horizon 2050, l’agriculture va devoir accroître le niveau de production d’aliments, de fibres et de biocarburants de près de 50% par rapport à 2012 afin de satisfaire la demande mondiale, en restant “sur la voie” de l’objectif “zéro faim” que s’est fixé l’ONU pour 2030. Le nombre de personnes sous-alimentées a recommencé à augmenter, passant de 604 millions de personnes en 2014 à 768 millions en 2020.
“Innovation technique”
A l’échelle mondiale, “répondre aux besoins nutritionnels de 9,7 milliards de personnes d’ici à 2050 est du domaine du possible”, estime la FAO. “Mais, au niveau local, il est à craindre que les problèmes que posent les schémas de production et de consommation empirent, entraînant des niveaux croissants de sous-alimentation et d’obésité dans une population toujours plus nombreuse et mobile.”
La dégradation des terres liée à l’activité humaine, la raréfaction de l’eau et le changement climatique augmentent les niveaux de risque pour la production agricole “dans des endroits où la croissance économique est la plus nécessaire”, note le rapport. Sans changement de cap, la production des 50% de nourriture en plus dont le monde devrait avoir besoin pourrait entraîner une hausse des prélèvements d’eau destinés à l’agriculture pouvant aller jusqu’à 35%.
“Une telle augmentation pourrait entraîner des catastrophes écologiques, accentuer les rivalités autour des ressources et favoriser l’apparition de nouveaux problèmes et conflits sociaux”, estime la FAO. Pour répondre à ces défis majeurs, la FAO préconise de “développer à grande échelle une production plus responsable sur le plan environnemental et plus intelligente face au climat”.
La gouvernance des terres et de l’eau doit être “plus inclusive et adaptative”, estime le rapport. Les auteurs de l’étude mettent aussi en avant l’importance de “l’innovation technique et managériale”. “Il est possible de prendre soin des sols négligés et de faire face à la sécheresse et au manque d’eau en adoptant de nouvelles approches technologiques et de nouvelles logiques de gestion”, considèrent-ils. “Notre sécurité alimentaire future dépendra de la protection accordée à nos ressources en terres, en sols et en eau”, conclut Qu Dongyu.