Le financement des pertes et dommages devrait bien être à l’ordre du jour de la COP27, qui se tient à Charm-el-Cheikh du 6 au 18 novembre. Une victoire majeure pour les pays du Sud qui ont tout fait pour maintenir la pression sur l’Égypte, pays hôte du sommet. Mais que désignent les pertes et dommages ? Qui bloque et pourquoi ? Qu’attendre de la COP27 ? Retour sur ce concept clé des futures négociations climatiques.
Les pertes et dommages c’est quoi ?
Ce terme, consacré par l’accord de Paris de 2015, désigne les dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique, qu’il s’agisse des conséquences d’événements brutaux, comme les cyclones ou les inondations, ou des effets plus lents comme la montée du niveau des mers ou la sécheresse. Pour l’heure, les financements climatiques existants ne sont consacrés qu’aux efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (“atténuation“) ou aux mesures d’adaptation pour se protéger contre les impacts du réchauffement. Mais les pays les plus vulnérables, les plus touchés par les pertes et dommages, réclament à cor et à cri la création d’un nouveau mécanisme dédié, financé par les plus grands émetteurs, afin de faire face aux impacts déjà irréversibles du changement climatique.
Où en est-on ?
Débattue depuis 30 ans, la question du financement des pertes et dommages a toujours été balayée d’un revers de la main par les pays riches, États-Unis et Union européenne en tête. Ils se sont toujours refusés à créer un nouveau fonds, craignant d’être tenus légalement responsables de leurs contributions historiques au changement climatique. Les pourparlers onusiens ont à la place établi deux institutions, le Mécanisme international de Varsovie, en 2013, qui doit permettre d’améliorer la compréhension, les échanges et l’action en cas de pertes et dommages, et le Réseau de Santiago, en 2019, qui met les pays vulnérables en relation avec les prestataires d’assistance technique.
À la COP26 de Glasgow, en 2021, la pression est montée d’un cran. Jamais il n’aura autant été question du sujet dans un sommet climatique. Mais aucun nouveau financement n’a été acté. À la place, un “dialogue de Glasgow” a été instauré afin de discuter des modalités de financement des activités visant à éviter les pertes et dommages… jusqu’en 2024. Une première session s’est tenue en juin dernier, durant laquelle les pays du Sud ont maintenu la pression pour que le sujet soit mis à l’ordre du jour de l’agenda formel des négociations à la COP27.
Par ailleurs, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre à New York (États-Unis), le Danemark a annoncé qu’il consacrerait 13 millions de dollars à la réparation des pertes et dommages. Une première pour un État membre. La voie avait déjà été ouverte par l’Écosse, suivie par la région wallonne (Belgique) et l’Allemagne lors de la COP26 avec une contribution cumulée de plus de dix millions d’euros. Selon les projections, les coûts des pertes et dommages sont estimés entre 290 et 580 milliards de dollars par an dans les pays en développement d’ici à 2030, et jusqu’à 1 700 milliards en 2050.
Que peut-on attendre de la COP27 ?
“Il existe un fort consensus sur le fait d’inclure le financement des pertes et dommages” aux négociations officielles de la COP27, explique à Novethic Fanny Petitbon, qui suit de près le sujet pour l’ONG Care. “Les États discutent encore certains détails (formulation, où placer le point etc…) et il faudra attendre le 1er jour de la COP pour avoir confirmation”, précise-t-elle. L’Union européenne a notamment opéré un revirement. Lors de la pré-Cop27 de Kinshasa, en RDC, début octobre 2022, Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne, a plaidé pour que les moyens de faire face aux pertes et aux dommages causés par les impacts climatiques soient à l’ordre du jour de la COP27. De son côté, la présidence égyptienne de la COP27 travaille activement sur le sujet pour réduire l’écart entre les positions des pays riches et des pays pauvres. “Il faut rester prudents. Toute la question va désormais porter sur le ‘comment’ on finance les pertes et dommages”, réagit Aurora Mathieu, du Réseau action climat.
“Un accord sur les pertes et dommages sera le principal test décisif pour la COP”, a déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Onu lors de la pré-COP27. “Nous savons que des personnes et des nations souffrent actuellement. Elles ont besoin de décisions significatives maintenant. Le fait de ne pas agir sur les pertes et les dommages entraînera une plus grande perte de confiance et davantage de dommages climatiques. C’est un impératif moral qui ne peut être ignoré et la COP27 doit être le lieu d’action sur les pertes et dommages”, a-t-il expliqué. Il propose d’instaurer une taxe exceptionnelle sur les superprofits des sociétés pétrolières et gazières comme source supplémentaire de revenus. Parmi les autres pistes, sur la table, on trouve la réorientation des subventions aux combustibles fossiles ou encore l’annulation des dettes des pays en développement.
NVTC