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Téranga Nature

Comment le Sénégal peut-il atteindre l’excellence dans la gouvernance de ses ressources extractives ?

Comment le Sénégal peut-il atteindre l’excellence dans la gouvernance de ses ressources extractives  ?

Le secteur extractif sénégalais repose sur des standards élevés de gouvernance, mais la divulgation d’informations essentielles demeure un défi.

La pandémie de coronavirus, dont le Sénégal connait depuis juin 2021 une troisième vague, a bouleversé les équilibres socioéconomiques du pays, ralentissant la croissance économique de 4,4% en 2019 à 1,5% en 2020, d’après le FMI. Le pire a été évité grâce à la résilience du secteur agricole, et à la réponse rapide du gouvernement qui a augmenté les dépenses de santé et accordé des aides ciblées aux ménages et aux entreprises pour un montant représentant jusqu’à 18% des dépenses budgétaires du pays en 2020. Dans ce contexte très incertain, le gouvernement maintient le cap de 2023 pour le démarrage de sa production pétrolière et gazière, notamment sur les champs de Sangomar et Grand Tortue (GTA), et soutient l’expansion de son secteur minier qui fournit (en particulier avec l’or et les phosphates) jusqu’à 5% des recettes de l’Etat.

Alors, à quel point le gouvernement sénégalais peut-il garantir que le secteur extractif est géré dans l’intérêt des citoyens sénégalais ? Eh bien, nous avons trouvé, et c’est une très bonne nouvelle, que la gouvernance des deux secteurs est globalement solide. Notre Indice de gouvernance des ressources naturelles (RGI) pour 2021 révèle qu’au Sénégal, les deux secteurs s’établissent dans la plus haute tranche de performance « Bien » de l’indice, et que, comme au Ghana, la gouvernance dans les hydrocarbures(encore en développement) est légèrement meilleure que dans les mines.

A travers le Plan Sénégal Emergent, le gouvernement sénégalais a opté pour une pleine exploitation de ses ressources minières, pétrolières et gazières. Et depuis plusieurs années, il renforce son cadre stratégique, légal et institutionnel, et s’est doté, entre autres, d’un nouveau code minier, d’un code pétrolier et d’un code gazier, y compris de dispositifs visant à promouvoir le contenu local. Ces réformes et leur mise en œuvre expliquent le score RGI 2021 de 82 sur 100 pour le secteur des hydrocarbures et de 75 sur 100 pour son secteur minier. A noter que l’or a été l’unique ressource évaluée dans le secteur minier, car elle représente 62% des exportations du secteur extractif.

Les performances particulièrement élevées du Sénégal dans les deux secteurs soulignent un cadre général de gouvernance robuste, en référence à plusieurs indicateurs relatifs par exemple à la stabilité politique, la liberté d’expression et la redevabilité, l’efficacité du gouvernement. Elles révèlent aussi qu’au Sénégal, les mécanismes de transparence et de redevabilité concernant le régime fiscal, la production minière et gazière, les paiements à l’Etat, la budgétisation des recettes et la dette sont bien intégrés dans les règles et les pratiques.

Afin d’amplifier les bons résultats actuels, les autorités sénégalaises peuvent engager ou finaliser les réformes qui portent principalement sur l’accès des citoyens aux informations du secteur dans les quatre champs suivants :

1. En ce qui concerne les processus d’attribution de titres : rendre obligatoire la divulgation régulière de la liste des demandeurs de titres, comme l’indique l’exigence 2.2 de la Norme 2019 de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), et considérer l’institution de voies de recours dans les procédures d’octroi des titres ; publier l’ensemble des contrats et accords, y compris les accords de prêts et de subventions, qui lient l’Etat ou les sociétés d’Etat et les entreprises du secteur extractif,.

2. Pour ce qui de la gouvernance des sociétés d’Etat, les règles et pratiques relatives aux flux financiers entre l’Etat et ces entreprises publiques sont relativement claires. Il conviendrait de rendre obligatoires l’examen législatif et la divulgation de leurs rapports et comptes annuels après examen législatif pour accroitre la redevabilité ; considérer la mise en place de conseils d’administration constitués de personnalités indépendantes de l’Etat pour limiter d’éventuelles influences politiques, comme au Ghana ; publier des codes de conduite des sociétés d’Etat pour sensibiliser ses parties prenantes sur ses valeurs et principes, notamment en matière de lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts.

3. En matière de lutte contre la corruption plus largement : adopter l’obligation pour le personnel de l’Etat et des sociétés d’Etat de rendre publiques leurs participations dans les entreprises du secteur extractif, ainsi que celle de rendre accessibles au public les informations sur les bénéficiaires effectifs des titres et divulguer ces informations sur l’ensemble des titres.

4. Enfin, en ce qui concerne la gestion des impacts positifs et négatifs des projets extractifs : intégrer dans les textes l’obligation de rendre publics les études d’impacts et les plans de gestion environnementale et sociale, et considérer leur divulgation sur une plateforme en ligne ; divulguer des évaluations d’impacts de la politique de contenu local dans les deux secteurs pour favoriser un débat éclairé ; finaliser les textes sur la gestion des recettes d’hydrocarbures en renforçant l’indépendance du fonds souverain (dit générationnel) à venir ; mettre en œuvre les transferts de revenus miniers aux collectivités, conformément à l’article 113 du code minier de 2016 et au décret de 2020 qui prévoient que 20% des redevances minières et superficiaires et des droits fixes soient reversés aux collectivités pour soutenir le développement local.

En définitive, la gouvernance du secteur extractif apparait globalement solide au Sénégal, mais les effets de la pandémie et les nécessités de la transition énergétique questionnent les ambitions du gouvernement dans le secteur. Bien qu’elle présente des avantages indéniables, y compris en termes de création d’opportunités économiques nouvelles, de diminution de la facture énergétique du pays et même de réduction de gaz à effet de serre, l’expansion gazière à venir ne doit pas enfermer le Sénégal dans des énergies fossiles alors que la dynamique mondiale en faveur des énergies renouvelables s’amplifie. A ce titre, l’ITIE, qui évalue depuis le 1er juillet les progrès du Sénégal en matière de gouvernance, a raison d’inciter ses pays et entreprises membres à démontrer leur engagement dans la transition énergétique.

(*) Dr Hervé Lado est le West Africa Regional Manager (francophone) à NRGI

LT

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