Et si la solution pour accélérer dans la lutte contre le changement climatique consistait à avancer par groupes de pays ambitieux plutôt que de chercher à mettre tous les pays d’accord, généralement sur le plus petit dénominateur commun. C’est ce que souhaite faire l’Allemagne au sein du G7 sous la forme de clubs climatiques, mais aussi l’Union européenne avec son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Non sans risque car il s’agit d’embarquer à la fois les pays les plus émetteurs et les pays en développement.
Dans son discours au Forum économique mondial, en début d’année, le chancelier allemand Olaf Scholz a réaffirmé le souhait de l’Allemagne de faire du G7 qu’elle préside le “noyau d’un club climatique international” pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Pour en faire partie, il faut s’engager à respecter les objectifs de 1,5°C de réchauffement et de neutralité carbone en 2050 et s’engager à mettre un prix au CO2 suivant une trajectoire compatible avec ces objectifs.
“Ce que nous voulons réaliser, c’est un changement de paradigme dans la politique climatique internationale. Nous n’attendrons plus les plus lents et les moins ambitieux. Au lieu de cela, nous donnerons l’exemple et nous transformerons l’action climatique d’un facteur de coût en un avantage concurrentiel, en convenant de normes minimales communes”, a expliqué Olaf Scholz. “En abordant le transfert de technologie et le financement climatique, nous espérons embarquer les économies en développement et émergentes”, a-t-il également ajouté.
“Place au mode commando”
Cette annonce “pourrait être une rupture majeure et signer l’entrée dans un nouveau type de diplomatie climatique” réagit Amandine Lepoutre, présidente du think tank Thinkers & Doers, dans une tribune au magazine Challenges. “Finie la quête laborieuse du plus petit dénominateur commun, fini le consensus mou autour d’objectifs creux, place au mode commando d’un groupe d’acteurs déterminés” qui ont “la certitude que le premier Etat ayant réussi la décarbonation de son économie, aura une bonne longueur d’avance sur ses concurrents restés englués dans les énergies fossiles” écrit-elle.
Avant l’Allemagne, l’Union européenne avait donné une impulsion majeure à cette idée de club climatique avec son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Cette mesure, ardemment défendue par la France qui préside le Conseil de l’UE jusqu’en juillet, prévoit de faire payer aux importateurs de l’UE un prix carbone identique à celui qui aurait été payé si les marchandises avaient été produites au sein de l’Union. Une façon d’inciter les partenaires commerciaux européens à s’aligner sur les standards de l’UE et à mettre en place un prix carbone sur leur territoire.
Le challenge reste désormais de réussir à convaincre un maximum de pays d’y adhérer. “Si on veut éviter les trous dans la raquette, il faut que la Chine et l’Inde, qui représentent plus de 60% de la production mondiale des produits intensifs en CO2 (acier, aluminium, ciment), aient la même ambition que nous. C’est possible à long terme mais pas à court terme“, estime Oliver Sartor, consultant senior au sein de l’institut de recherche Agora Energiewende.
Vers une guerre froide climatique ?
Outre les pays les plus émetteurs, il faut également emmener les pays en développement. “La voie à suivre est d’utiliser pleinement les revenus du mécanisme d’ajustement à la frontière du carbone pour fournir un financement climatique supplémentaire aux pays en développement. Sans cela, les riches finiront simplement par taxer les pauvres” prévient Simone Tagliapietra, chercheur au centre de réflexion européen Bruegel.
Le risque inhérent à cette stratégie de club climatique, par définition non inclusif, serait aussi de se diriger à terme vers “une guerre froide climatique” où le monde se trouverait divisé en deux ou trois camps rivaux créant des barrières commerciales régionales. Dans un rapport intitulé Shifting Powers et publié le mois dernier, des universitaires de l’Université de Cambridge et des experts du marché de l’assurance Lloyd’s de Londres ont imaginé trois scénarios en fonction de l’impact de la crise climatique sur la géopolitique.
Le plus optimiste serait celui d’une “mondialisation verte”, où les grandes puissances se coordonnent étroitement pour définir des solutions mettant le monde sur la bonne voie pour atteindre les objectifs climatiques. Le plus pessimiste est celui d’une “anarchie climatique” où l’intérêt personnel prend la forme du protectionnisme et du mercantilisme, poussant le monde dans la mauvaise direction sur le plan des émissions. Le scénario de “guerre froide climatique” se situe entre les deux. C’est celui qui est le plus susceptible de ressembler à la transition mondiale réelle, notent les experts.
NVTC
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