L’éruption du Cumbre Vieja pourrait durer « entre 24 et 84 jours », avec à la clé d’importantes émanations de gaz et de fumées
Une coulée de lave semble avaler inlassablement le paysage. Sur l’île de La Palma, dans l’archipel espagnol des Canaries, le volcan Cumbre Vieja est entré en éruption dimanche, obligeant de nombreux habitants à abandonner leurs habitations. Selon le dernier bilan, 154 hectares de terrain et 320 bâtiments ont déjà été détruits. L’éruption pourrait durer « entre 24 et 84 jours », avec à la clé d’importantes émanations de gaz et de fumées, indique l’Institut volcanologique des Canaries (Involcan). Le nuage noir, qui a déjà atteint les côtes marocaines et la péninsule ibérique, devrait ensuite remonter vers les îles Baléares et le sud de la France. Pour quel impact environnemental et quels risques sanitaires ?
C’est dangereux cette fumée noire ?
Qu’on se rassure, le volcan espagnol ne serait pas des plus dangereux. « Il s’agit d’une éruption lavique, qui est modérément explosive. C’est spectaculaire et destructeur, mais sur une échelle de 0 à 8, je situerais cette éruption à 2 donc cela reste modeste », avance Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue et professeur à l’université Paris-Saclay. Malgré les importants dégâts – estimés à déjà plus de 400 millions d’euros –, et l’évacuation de plus de 6.000 personnes, l’éruption n’a d’ailleurs fait pour l’instant aucun mort ni blessé. « La fumée que l’on voit, c’est du gaz et de la cendre. L’éruption produit du dioxyde de soufre et du gaz carbonique, des gaz polluants », ajoute le spécialiste, auteur du blog volcamania. D’après l’Institut volcanologique des Canaries (Involcan), entre 6.000 et 11.500 tonnes de dioxyde de soufre sont ainsi recrachées quotidiennement dans l’atmosphère.
« Un volcan dégage plusieurs composants : du magma, qui s’est étalé sur 166 hectares. De l’eau et des cendres, des particules légères qui peuvent voyager sur de longues distances et empêcher le trafic aérien. Et du gaz qui peut être toxique, notamment le soufre, mais dont les concentrations aujourd’hui ne sont pas dangereuses pour la population », rassure également Marina Rosas Carbajal, volcanologue au CNRS et à l’Institut de physique du globe de Paris.
Pourquoi a-t-on peur que la lave atteigne l’océan ?
La principale crainte des scientifiques est que la lave en mouvement atteigne l’océan Atlantique. « Au contact de la mer, cela risque d’augmenter l’explosivité de l’ensemble. Le magma peut être pulvérisé en fragments, dangereux comme des échardes de verre, et on risque aussi de voir se produire des nuages d’éléments toxiques comme de l’acide sulfurique au contact de la vapeur d’eau », relate Jacques-Marie Bardintzeff. Le gouvernement local, qui a conseillé aux habitants de l’île de se couvrir le nez et la bouche lorsqu’ils sortent, a décrété un « rayon d’exclusion de deux milles marins » [près de 4 km] autour de l’endroit où la lave pourrait entrer en contact avec l’océan.
Initialement prévue pour lundi soir, cette rencontre potentiellement explosive pourrait ne jamais avoir lieu. La lave pourrait s’arrêter d’elle-même, alors que son ralentissement a été très marqué ces dernières heures.
Quel impact plus global pour l’environnement ?
Au-delà du risque humain, cette éruption devrait avoir un impact limité sur l’environnement. « Si cela dure longtemps, cela peut augmenter l’impact écologique sur le sud de l’île, mais pas au niveau du continent ou de l’océan », assure Jacques-Marie Bardintzef. « Il peut y avoir des dégâts sur le parc national, l’environnement proche. Mais nous ne sommes pas dans un scénario de grande éruption, comme on a connu par exemple au Moyen-Age et qui a eu un impact sur le climat. Chaque jour, il y a une vingtaine d’éruptions sur la planète, et l’impact climatique est minime », abonde Marina Rosas Carbajal.
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