Des milliers d’indigènes du Brésil, coiffes à plumes et tenues traditionnelles, se sont retrouvés lundi pour une semaine de mobilisation en plein coeur de Brasilia contre la politique du président Jair Bolsonaro, qu’ils accusent de menacer leurs terres ancestrales.
Des indigènes avaient commencé à installer dès dimanche, à l’appel de la Coordination des peuples indigènes du Brésil (Apib), un campement de tentes de “Lutte pour la vie” où doivent se dérouler jusqu’à la fin de la semaine des “manifestations contre la politique anti-indigène” de Bolsonaro.
Lundi matin, les membres de nombreuses ethnies aux tenues chatoyantes, beaucoup le corps peint, se sont retrouvés dans le calme près des sièges modernistes du pouvoir de la capitale — présidence, congrès et Cour suprême –chantant et dansant. La présence policière était faible, a constaté une journaliste de l’AFP.
En juin dernier, des manifestations d’indigènes pour leurs terres à Brasilia avaient entraîné des heurts entre une centaine d’autochtones et la police. Trois manifestants avaient été blessés, de même que trois policiers, ces derniers par des flèches.
Les indigènes — qui étaient lundi en fin de matinée 4.000, de 117 ethnies différentes, selon l’Apib — comptent faire pression jusqu’à dimanche contre divers projets de loi qui, selon eux, menacent gravement leurs droits et leurs terres ancestrales, et particulièrement un jugement crucial de la Cour suprême.
Au coeur des inquiétudes, le Projet de loi 490 (PL-490), soutenu par le gouvernement du président d’extrême droite et ses alliés, qui doit aller devant le Congrès.
La question la plus polémique en est la “thèse temporelle” qui ne reconnaît comme ancestrales que les terres qui étaient occupées par les indigènes quand a été promulguée la Constitution, en 1988.
Or de nombreuses tribus ont été déplacées lors des soubresauts de l’histoire brésilienne, notamment sous le régime militaire (1964-85). De retour sur leurs terres, elles réclament la protection du statut accordé aux réserves, auquel est opposé le puissant lobby brésilien de l’agronégoce.
Mercredi sera une journée cruciale. Les indigènes ont prévu de marcher jusqu’à la Cour suprême, au moment où celle-ci commencera à siéger pour décider si la “thèse temporelle” s’applique à une réserve de l’Etat de Santa Catarina (sud). Ce jugement affectera des dizaines de territoires objets de litige depuis des années.
C’est un thème “important parce que divers secteurs au Brésil cherchent à empêcher la démarcation des terres indigènes, y compris dans des lieux où ils se trouvaient déjà”, explique Juliana de Paula Batista, avocate de l’Institut Socio-environnemental (ISA), qui défend les droits des peuples autochtones.
“Si la Cour suprême accepte la +thèse temporelle+, cela pourrait légitimer la violence contre les peuples indigènes et exacerber les conflits dans la forêt amazonienne et d’autres régions”, a averti dans un communiqué Francisco Cali Tzay, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits des peuples indigènes.
– “Projet de loi des invasions” –
Jair Bolsonaro soutient par ailleurs un projet de loi qui ouvrirait les terres indigènes, déjà touchées gravement par la déforestation et la prospection minière illégale, à l’exploitation des ressources naturelles.
Ces terres sont situées majoritairement dans neuf Etats amazoniens du Brésil, et essentielles pour la préservation de l’environnement.
Deux autres propositions de loi sont décriées comme étant des “PL des invasions” par les indigènes et défenseurs de l’environnement. L’une prône la régularisation des occupations illégales de terres par des orpailleurs, bûcherons ou éleveurs.
Les quelque 900.000 indigènes du Brésil représentent 0,5% des 212 millions d’habitants et leurs terres s’étendent sur 13% du territoire de l’immense pays.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro à Brasilia, ils n’ont eu de cesse de dénoncer des invasions de leur terres –qui ont par ailleurs favorisé la propagation du covid-19 parmi des populations au système immunitaire fragile –, ainsi que des violences et des atteintes à leurs droits.
En janvier dernier, le cacique Raoni Matuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, avait déjà demandé à la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter pour “crimes contre l’humanité” contre Bolsonaro, accusé de “persécuter” les peuples autochtones en détruisant leur habitat et en bafouant leurs droits fondamentaux.
© 2021 AFP
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