La politique mise en place par Pékin pour limiter la spéculation et l’endettement dans l’immobilier, ainsi que la crise du charbon, ont entraîné une baisse inédite des émissions de CO2 de la Chine, depuis la relance post-Covid19. Pour les spécialistes, cela pourrait conduire à un pic précoce des émissions avant la date de 2030. Mais la position de la Chine reste très ambigüe et un rebond lié à une nouvelle relance économique reste encore tout à fait possible.
Pour la première fois depuis la relance économique post-Covid, les émissions de la Chine ont baissé : – 0,5 % au troisième trimestre 2021 par rapport à l’année précédente, selon une nouvelle analyse de Carbon Brief publiée fin novembre. Les premières données suggèrent que cette tendance s’accentue en octobre. “Cela pourrait signifier que les émissions chinoises de CO2 atteindront un pic au niveau actuel ou presque“, souligne Lauri Myllyvirta, analyste du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), à l’origine de l’étude.
Cette baisse est principalement due aux mesures prises par Pékin pour limiter la spéculation et l’endettement dans l’immobilier. Au printemps dernier, le gouvernement a commencé à resserrer le crédit à ce secteur, moteur clé de la croissance économique post-Covid19, mais aussi principal moteur de l’augmentation de la dette et des émissions. Or, le dirigeant chinois Xi Jinping estime que “les appartements sont faits pour y vivre, pas pour la spéculation“. “Le ralentissement de l’expansion immobilière apparaît donc comme un thème de politique économique à long terme”, note Carbon Brief.
“Changement systémique majeur”
Ce “changement systémique majeur” comme le qualifie Lauri Myllyvirta a conduit à une chute spectaculaire de la demande de matériaux de construction. L’acier et le ciment sont les deux secteurs les plus émetteurs de CO2 en Chine après le charbon. Les données pour le mois d’octobre montrent une production d’acier brut en baisse de 23 % et une production de ciment en baisse de 17 % par rapport à la même période un an plus tôt.
Les pénuries de charbon, qui ont entraîné des rationnements d’électricité dans tout le pays, ont également contribué à cette baisse des émissions. “La grande question est de savoir si le ralentissement économique entraînera une autre série de mesures de relance de la construction et des infrastructures qui augmenteraient une fois de plus les émissions, avant le pic visé à la fin de cette décennie“, interroge Carbon Brief.
“Pic précoce des émissions”
La Chine s’est engagée à atteindre son pic des émissions avant 2030 sans donner de date précise. “Le ralentissement des émissions et le changement structurel spectaculaire de l’économie, ainsi que l’accélération des investissements dans les technologies propres, pourraient conduire à un pic précoce des émissions et au dépassement des objectifs de la Chine“, suggèrent les experts. Mais “si le gouvernement chinois prend de nouvelles mesures de relance économique, les émissions pourraient rebondir une nouvelle fois“, note l’étude.
Depuis le début du quatrième trimestre, confrontée à des pénuries d’électricité, la Chine a d’ailleurs accru sa production de charbon, battant des records d’extraction quotidienne à plus de 12 millions de tonnes début novembre. En outre, il existe une perception répandue en Chine que la crise actuelle du charbon est le résultat d’une transition trop ambitieuse vers l’énergie propre. “Cette perception pourrait, selon certains, faire hésiter les dirigeants à mettre en évidence ou à renforcer les objectifs climatiques jusqu’à ce que la crise soit totalement résolue“, préviennent les experts.