Le One Forest Summit s’achève ce jeudi 2 mars à Libreville au Gabon, au cœur du bassin du Congo, l’un des trois bassins forestiers tropicaux les plus importants du globe. L’enjeu est de trouver des solutions pour inciter financièrement les pays du Sud à préserver leurs forêts afin de maintenir leur rôle de puits de carbone. Ce sommet est le premier rendez-vous d’une longue série qui doit aboutir au lancement de nouveaux mécanismes de financements climatiques Nord-Sud.
Dans la lignée des One Planet Summit, initiés par Emmanuel Macron en 2017, la sixième édition, baptisée One Forest Summit, est cette fois consacrée aux forêts tropicales. Le sommet s’est ouvert mercredi 1er mars, et se tient jusqu’au jeudi 2 mars, à Libreville au Gabon, en présence du président français et d’Ali Bongo Ondimba, le président gabonais, mais aussi de chefs d’État d’Afrique centrale, de Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne, d’entreprises privées et de représentants de la société civile.
Lancé à la COP27 sur le climat de novembre dernier, le One Forest Summit a pour mission “d’améliorer la coopération scientifique sur les forêts et de travailler au financement de la protection de ces espaces”, explique le ministère de la Transition écologique. “L’objectif n’est pas de faire adopter de nouvelles déclarations politiques”, précise de son côté le ministère des Eaux et des forêts du Gabon. “L’événement se veut être une plateforme proposant des actions concrètes pour concilier protection des forêts et développement économique des pays forestiers”, ajoute-t-il.
Financer la préservation des puits de carbone
Et c’est bien là tout l’enjeu. Concrètement, les pays du Sud demandent aux pays du Nord, les plus émetteurs de CO2, de financer la préservation de leurs écosystèmes forestiers qui assurent un rôle majeur de puits de carbone. Derrière l’Amazonie, le bassin du Congo est le deuxième massif forestier avec 220 millions d’hectares de forêts répartis à travers plusieurs pays, dont la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville et le Gabon.
Ce dernier est le premier État africain à être rémunéré pour la protection de ses forêts, dans le cadre de l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (Cafi), portée par la Norvège. Mais il veut aller plus loin, en mettant sur le marché des crédits carbone souverains à destination d’entreprises privées ou d’autres pays. Un mécanisme prévu par l’Accord de Paris, mais dont les règles doivent encore être finalisées à la COP28. “On absorbe environ 100 millions de tonnes de CO2 net par an. Chaque seconde, le Gabon capte 3 tonnes de CO2”, a assuré à l’AFP Lee White, ministre gabonais des Eaux et forêts.
Le pays, dont un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, veut sortir de sa dépendance au pétrole et s’est engagé à sanctuariser 30% de son territoire en aires protégées. Mais cela nécessite des “contreparties”, comme l’explique Marthe Mapangou, spécialiste des forêts auprès de l’AFD (Agence française de développement) à Libreville. “Dans un pays comme le Gabon qui est couvert à 88% de forêts, on ne peut ni construire des routes, des hôpitaux ou des écoles, ni faire de l’agriculture pour produire de la nourriture, sans couper la forêt, résume-t-elle. Entre les besoins croissants des populations et l’évolution démographique, le temps presse quant à l’établissement de solutions d’exploitation qui permettent au pays de prospérer sans empêcher la forêt de se régénérer.”
“Le risque d’une foire au greenwashing”
À la COP27 de Charm-el-Cheikh, Emmanuel Macron avait évoqué sans plus de détails le lancement “d’un programme de préservation positive“, qui doit permettre d’établir des “contrats politiques et financiers avec des pays disposant d’importants écosystèmes naturels”, à l’image des Partenariats pour une transition écologique juste (JETP) signés par des pays du Nord avec l’Afrique du Sud, l’Indonésie ou le Vietnam pour les accompagner dans la sortie du charbon. La Colombie, le Gabon ou encore les Philippines font partie des premiers pays volontaires. D’autres pays, comme le Honduras, le Belize ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée entendent suivre l’exemple du Gabon en émettant eux aussi des crédits carbone souverains.
Mais le sujet suscite des inquiétudes car l’utilisation de crédits carbone est régulièrement décriée sur leur manque de fiabilité et leurs conséquences sur les populations locales. “Le recours aux marchés des crédits carbone risque de devenir un outil de greenwashing pour des acteurs fortement émetteurs car ça leur permet de se détourner des objectifs prioritaires”, qui doivent être la réduction des émissions de gaz à effet de serre, explique dans un communiqué Myrto Tilianaki du CCFD-Terres solidaires.
Reste que l’organisation d’un tel sommet est jugée pertinente. Il s’agit en effet de la première étape d’un marathon d’événements consacrés aux financements climatiques innovants pour les pays du Sud qui s’achèvera par un sommet à Paris en juin, après les assemblées de printemps du FMI, de la Banque mondiale et de l’OCDE. Ces institutions ont été chargés par Emmanuel Macron et Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, de proposer des solutions très concrètes pour activer ces mécanismes. “Il s’agit aussi de changer nos règles, les règles de nos grandes banques internationales, de nos banques de développement, du FMI, de la Banque mondiale et de nos grands prêteurs”, avait lancé le président français à la tribune de la COP27.
AFP/NVTC
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