Le rapport de l’IPBES publié vendredi 8 juillet est à la biodiversité ce que le rapport du GIEC est au climat : un appel à l’action urgente. Fruit du travail de 85 scientifiques qui ont analysé 6 200 sources, le rapport de cette organisation dresse l’état des lieux des menaces qui pèsent sur la biodiversité dont dépend l’espèce humaine pour manger, se soigner, s’habiller… Il permet d’avoir une idée de l’ampleur des risques à ce jour pas vraiment quantifiés sur un plan économique et financier.
La lecture du rapport de l’IPBES, travail scientifique d’évaluation des dégâts sur la biodiversité, doit permettre de préparer la COP 15 organisée en décembre au Canada. On attend de cette instance onusienne retardée depuis plusieurs mois pour cause de Covid-19, qu’elle puisse poser le cadre international permettant de freiner la destruction de la biodiversité et d’aider à la restaurer autant que faire se peut. Le tableau dressé par les scientifiques est accablant particulièrement pour les populations les plus pauvres.
“70% des pauvres dans le monde dépendent directement des espèces sauvages”, 2,4 milliards de personnes dépendant du bois pour cuisiner, explique Marla Emery, coauteure du rapport. L’IPBES rappelle que la surexploitation touche 34% des stocks de poissons, met en danger 1 341 mammifères sauvages, ainsi que 12% des espèces d’arbres sauvages et que requins et raies sont en péril. De même, il alerte : le trafic illégal d’espèces sauvages est le troisième au monde, derrière le trafic d’êtres humains et de drogues, et il pèse entre 69 et 199 milliards de dollars par an.
Opérer un “changement transformateur”
Face à ce constat accablant, le rapport propose de réduire la pêche illégale, de supprimer les subventions néfastes ou encore de soutenir la pêche artisanale. Il suggère aussi de mettre en place des certifications pour l’exploitation forestière, d’avoir des systèmes de gouvernance efficaces et une redistribution équitable des bénéfices et des coûts liés aux espèces sauvages. Bref il suggère d’opérer un “changement transformateur” en prenant exemple sur les peuples autochtones, bien plus respectueux de la nature que les populations plus “développées”. Les scientifiques concluent : “L’illusion que l’humanité pourrait exister séparément ou en maîtrisant le reste de la nature (…) a conduit à des crises environnementales majeures, comme le changement climatique et le déclin de la biodiversité”.
Car le travail de l’IPBES permet de faire le lien entre toutes les crises environnementales et si l’Accord de Paris a permis à la finance de comprendre que le changement climatique est un risque systémique pour la stabilité financière, l’économie mondiale est encore très loin d’avoir intégré ce que pourrait coûter la destruction de la nature dont elle est pourtant très dépendante. Christine Lagarde la directrice la Banque Centrale Européenne (BCE), avait bien tenté en septembre dernier de rappeler que climat et biodiversité étaient étroitement liés et qu’il était urgence de préserver la nature en orchestrant une relance verte, européenne et mondiale mais force est de constater que cela reste un vœu hypothétique.
Le risque climatique sous évalué
Le rapport que vient de publier la BCE est éloquent. Il s’agit du premier test de résistance aux risques climatiques des banques qu’elles supervisent et les nouvelles ne sont pas bonnes. La part des 22 industries les plus émettrices de GES représentent près des deux tiers des profits des entreprises. 60 % des banques européennes n’ont pas vraiment de cadre pour évaluer le risque climatique et la plupart n’envisagent de le faire qu’à moyen/long terme. Enfin dans la mesure où ces banques n’intègrent pas le changement climatique dans l’évaluation des risques de crédit des entreprises à qui elles prêtent de l’argent, elles ont très peu de données pertinentes. La destruction de la biodiversité n’étant même pas intégrée, on peut imaginer le poids “des éléphants dans la pièce” quand on parle des performances économiques de la zone euro !
La BCE évalue au minimum les pertes possibles à 70 milliards d’euros mais avoue que le chiffre est largement sous-estimé puisqu’il ne prend pas en compte l’impact économique et financier des risques environnementaux dont la multiplication des catastrophes climatiques donne une idée. Tout comme l’IPBES, elle suggère donc un “changement transformateur” au moins dans l’évaluation des risques très concrets qu’apporte la crise actuelle !
NVTC-AFP
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