Après plus de quinze ans de discussions, les Etats membres de l’ONU sont tombés d’accord, samedi, sur un premier traité international de protection de la haute mer.
Bonne nouvelle pour la haute mer. Cette zone qui commence à maximum 370 kilomètres des côtes représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la planète. Pourtant, cette vaste étendue d’eau n’était que très peu régulée juridiquement, longtemps ignorée du combat environnemental. Elle va bientôt pouvoir être protégée comme il se doit. Samedi soir, à New York, plus de 100 Etats membres sont parvenus à un accord au siège de l’ONU sur le premier traité international de protection de la haute mer. Son but ? Eloigner les menaces qui pèsent sur des écosystèmes essentiels à l’humanité. 20 Minutes revient en détail sur cet accord capital.
C’est quoi la haute mer ?
La haute mer commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes et n’est donc sous la juridiction d’aucun Etat. Elle représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la planète mais seul 1 % faisait jusqu’ici l’objet de mesures de conservations. La haute mer, « c’est une zone de non-droit, une grosse moitié de la planète où il n’y a pas de lois, où on peut, par exemple, déverser des produits toxiques car ça n’appartient à personne », expliquait en février dernier à 20 Minutes André Abreu, directeur des politiques internationales de la Fondation Tara Océan.
Souvent délaissée par les débats environnementaux, au profit des zones côtières et de quelques espaces emblématiques, la haute mer regorge d’une biodiversité microscopique foisonnante. Un enjeu de taille pour la planète, tant les océans absorbent une partie importante du CO2 émis par les activités humaines. Cet outil emblématique est également jugé indispensable pour espérer protéger d’ici 2030 30 % des terres et des océans, comme s’y sont engagés l’ensemble des gouvernements de la planète en décembre lors de la COP15 sur la biodiversité. « Les zones de haute mer protégées peuvent jouer un rôle essentiel pour renforcer la résilience face aux effets du changement climatique », a déclaré Liz Karan, de l’ONG Pew Charitable Trusts. D’où l’importance de ce traité.
Que dit l’accord ?
Le contenu exact du texte n’a pas encore été publié. Plusieurs sujets ont été abordés dans les discussions et accord devrait permettre de lutter contre l’affaiblissement des océans, attaqués par le réchauffement climatique, la pollution ou encore la surpêche D’abord, il propose une meilleure protection juridique pour un espace qui représente, on ne le dit pas assez, 60 % de la surface des océans. Ensuite, l’accord prévoit « l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement » lors des activités envisagées en haute mer. Des aires marines protégées vont être créées dans les eaux internationales.
Surtout, le traité a régulé la gestion des ressources en haute mer, qui n’appartiennent à personne mais sont accaparées par les pays riches, qui peuvent se permettre d’organiser des recherches coûteuses dans ces zones. Des ressources marines génétiques y sont extraites et utilisées par des entreprises pharmaceutiques et cosmétiques. Les pays en développement ont insisté durant les négociations pour que ces ressources soient équitablement partagées.
Vendredi 3 mars, à l’issue de la conférence « Notre Océan » au Panama, les pays ont promis une enveloppe de près de 20 milliards de dollars pour la protection des océans. Les Etats-Unis se sont engagés à donner six milliards de dollars, et l’union Européenne plus de 860 millions de dollars. L’accord pourra ainsi permettre d’aligner les actes politiques aux objectifs fixés par la COP15, à Montréal, et cités plus haut : protéger 30 % de l’ensemble des terres et des océans d’ici 2030.
Quand entrera-t-il en vigueur ?
C’est toute la question. L’accord doit d’abord être disséqué par les services juridiques des Nations Unies, puis il devra être traduit dans les langues officielles de l’organisation internationale (arabe, chinois, anglais, français, russe, espagnol). Lors des discussions, l’Union Européenne a promis 40 millions d’euros pour faciliter la mise en œuvre du traité et sa ratification. L’accord doit aussi être ratifié par un nombre significatif de pays. Pour l’heure, il n’entre donc pas en vigueur avant l’accomplissement de toutes ces étapes.
Pourquoi cet accord est-il historique ?
Cet accord sur la protection de la haute mer est l’épilogue d’un combat entamé il y a plus de quinze ans, dont quatre années de discussions officielles. Chaque acteur défendait ses intérêts et, comme dans d’autres forums internationaux, notamment les négociations climat, le débat a fini par se résumer à une question d’équité entre deux blocs Nord/Sud. Mais voilà, à l’issue d’une troisième « dernière » session de quinze jours intenses de négociations, « il n’y aura pas de réouverture ni de discussions de fond », a indiqué Rena Lee, sous les applaudissements nourris et prolongés des délégués. Une présidente de la conférence intergouvernementale qui a annoncé, en larmes, la bonne nouvelle samedi soir à New York, par ces mots : « le navire a atteint le rivage. »
Après deux semaines d’intenses discussions, dont une session marathon dans la nuit de vendredi à samedi, les délégués ont donc finalisé un texte qui ne peut désormais plus être modifié de manière significative. Et pour en noter le caractère historique, il faut faire l’inventaire des réactions des défenseurs de la cause qui ont à l’unanimité salué l’accord. « C’est un jour historique pour la conservation et le signe que dans un monde divisé la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique. Nous félicitons les pays d’avoir cherché des compromis, d’avoir mis de côté leurs différences et d’avoir élaboré un traité qui nous permettra de protéger les océans », a ainsi déclaré Laura Meller, chargée de campagne océans pour Greenpeace Nordic. Tout en saluant « une énorme victoire », Greenpeace France a appelé les gouvernements à « veiller à ce que le traité soit mis en pratique de manière efficace et équitable ».
Côté politique, les réactions sont unanimes. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a salué une « victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices qui menacent la santé des océans, aujourd’hui et pour les générations à venir ». Quant à Virginijus Sinkevicius, commissaire européen à l’Environnement, il s’est réjoui au nom de l’Union européenne de cette « étape cruciale pour préserver la vie marine et la biodiversité qui sont essentielles pour nous et les générations à venir ».
AFP
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